Nautisme - 100 000 emplois sous la pression de la fiscalité et de la réglementation

Publié le par N. Venance

Nautisme - 100 000 emplois sous la pression de la fiscalité et de la réglementation
Nautisme - 100 000 emplois sous la pression de la fiscalité et de la réglementationNautisme - 100 000 emplois sous la pression de la fiscalité et de la réglementation

La filière nautique est fortement contributrice de l'emploi en régions, une réalité menacée tant par une fiscalité instable que par des réglementations toujours plus invasives.

ActuNautique.com a interviewé Yves Lyon-Caen, président du conseil de surveillance du groupe Bénéteau et président de la Fédération des Industries Nautiques (FIN), qui partage ses inquiétudes quant à l'instabilité fiscale et réglementaire en France, qui menace près de 100 000 emplois.

Yves-Lyon Caen, la filière nautique est fortement contributrice de l'emploi et du développement économique et industriel, notamment de la zone littorale. Pourtant, il semble que les politiques assimilent notre filière à un luxe taxable à volonté ! Yves-Lyon Caen, le nautisme, c'est vraiment du luxe ?

Yves Lyon-Caen - Non, le nautisme, c'est avant tout un loisir populaire, bien ancré auprès de gens simples, bien loin des images d'Epinal qui peuvent s'attacher à notre filière ! Sur 500 000 bateaux recensés dans le parc actif en France, on compte environ 400 000 bateaux dont la puissance moteur est inférieure à 6cv !! Il s'agit donc de pratiques familiales de ballades en mer, de pêche de loisir, voire des petites pratiques sportives. L'image d'un nautisme qui serait réservé à une élite fortunée est une image tout à fait erronée. A contrario, c'est vrai que la France a la chance unique en Europe, de disposer d'un littoral exceptionnel, tant sur l'Atlantique que sur la Méditerranée qui attire les plaisanciers du monde entier ! Par ailleurs, il y a un certain nombre de plaisanciers français qui disposent d'unités habitables d'une certaine taille, de 30 à 50 pieds, parfois plus importantes.

Combien d'unités sont concernées par cette catégorie ?

YLC - On estime à 150 000 environ, le nombre d'unités de cette catégorie, qui cotoient les côtes françaises, mais qui demain peuvent s'en détourner, au profit de l'Italie, de la Croatie, ou en Grèce. La question que l'on doit se poser est comment faire, pour faire en sorte que notre pays conserve son attractivité auprès de cette clientèle plutôt haut de gamme et pour  quelle la développe au fil des ans !  

Aujourd'hui, notre filière est clairement sous pression...

YLC - Notre filière est aujourd'hui clairement confrontée à trois ordres de risques différents. Le premier risque est le développement d'une fiscalité parasite. Par fiscalité parasite, j'entend une fiscalité qui essaye de percevoir des droits supplémentaires sur les plaisanciers fréquentant nos côtes. On a ainsi parlé cet été du risque de faire payer un droit de mouillage dans les eaux de certaines aires maritimes protégées en Corse, en spécifiant bien que ce serait spécifiquement réservé aux non-Corses ! Le message envoyé aux plaisanciers du monde entier serait catastrophique : en bref, ils se seraient pas les bienvenus en Corse ! 

Quel est le second type de risques identié ?

YLC - Il y a aujourd'hui des débats qui peuvent représenter des risques importants pour notre filière, qui portent sur la protection de nos côtes, et c'est tout à fait normal. Il faut savoir trouver le bon équilibre entre tous les usages maritimes : la pêche, l'ostréiculture, la pratique de la plaisance, le développement de ressources hallieutiques. Trouver ce juste équilibre, c'est aussi trouver la façon de préserver une pratique normale et naturelle de la plaisance, qui joue un rôle central sur nos côtes. Sur le bassin d'Arcachon par exemple, les professionnels du nautisme représentent le principal secteur d'activité et d'emplois. Or, on a parlé cet été du gel d'une zone importante du bassin, à la navigation de plaisance. Il faut savoir trouver le juste équilibre, et éviter d'émettre des signaux négatifs, qui dissuadent à terme, d'une part les professionnels d'investir, et d'autre part les clients de venir. Il ne faut pas que l'on se retrouve à terme, avec un Bassin d'Arcachon qui se viderait de son activité économique principale. 

Le troisième risque est quant à lui plus fiscal. La suspension in-extremis de la modification du calcul de la taxe foncière des ports de plaisance a été plutôt une bonne chose, non ?

YLC - Oui mais au prix de quelle mobilisation !! En revanche, autour de nous, sur la Méditerranée notamment, les pays qui nous cotoient ont une vision très positive de l'apport de la plaisance, et font tout pour attirer les plaisanciers chez eux ! Ils développent donc des politiques attractives et incitatives. C'est la cas notamment de l'Italie qui vient de décider d'une baisse de son taux de TVA sur les prix des places de port, pour donner envie aux plaisanciers de venir mouiller dans leurs ports, de venir consommer sur place et y développer l'activité économique. En France, notre taux de TVA est plus du double de celui qui sera appliqué en Italie à partir de cette année. Je dis qu'il faut faire attention : sans s'en rendre compte, petit à petit, par des mesures fiscales, par des mesures réglementaires, voire simplement par une absence de vigilance, on laisse fuir en dehors de nos côtes, une richesse qui génère de très nombreux emplois, des emplois vitaux, qui vont du fournisseur de fruits et légumes qui se charge de l'avitaillemment du bateau, au chauffeur de taxi, à l'ouvrier du chantier naval, à l'employé du port, au pompiste et au restaurateur !  

Il ne faut pas oublier en effet que la filière nautique représente une activité économique et industrielle importante, répartie sur tout le territoire, en particulier le littoral.

YLC - Dans les grandes régions littorales françaises, entre les chantiers qui font de l'entretien, du refit et de la maintenance, ceux qui font du service, notre pays dispose d'un secteur économique qui est absolument stratégique. En laissant ce secteur petit à petit s'appauvrir, souffrir sous l'effet de la concurrence internationale ou en ne prenant pas garde à l'effet de mesures restrictives prises sans études d'impact économique, demain, on risque de se retrouver avec un secteur nautique anémié. A ce moment là, on découvrira à tort, trop tard, que l'on a suivi un mauvais chemin. Le message que je veux faire passer est simple : faisons attention aux risques que nous courrons. C'est en quelque sorte une sonnette de vigilance que je tire.


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Clickandboat 03/10/2014

Merci pour ce bel article sur la filière nautique et les grands enjeux pour sa pérennité. Click & Boat apporte clairement une solution aux propriétaires menacés par des charges annuelles importantes. Rentabiliser son bateau quelques jours par an en le louant permet de l'entretenir et de le faire vivre.